Il 3 ottobre i cittadini della Bosnia-Erzegovina sono stati chiamati alle urne per le elezioni forse più importanti dalla loro storia recente. E' la settima volta che in Bosnia si tengono elezioni generali dall'instaurazione del sistema multipartitico nel 1990, ma ora i nuovi eletti avranno il compito di scongiurare l'implosione del paese e portarlo fuori dalla più grave crisi politico-istituzionale nei quindici anni trascorsi dalla fine della guerra nel 1995. Una crisi che ne sta bloccando lo sviluppo socio-economico e il processo di integrazione regionale e internazionale. Per uscire dall'impasse occorre una rottura, il coraggio di osare il cambiamento, sia da parte delle classi politiche locali, sia da parte della comunità internazionale, Ue in primo luogo.
E' quanto scrivono tra l'altro Christophe Solioz, segretario generale del Centre for European Integration Strategies di Ginevra, e Wolfgang Petritsch, già Alto rappresentante internazionale in Bosnia Erzegovina(1999-2002), in un articolo pubblicato in questi giorni in Svizzera da Le Temps e in Austria da Der Standard.
Petritsch e Solioz individuano quattro questioni che vanno affrontate e risolte per far uscire il Paese dalla crisi: in primo luogo la comunità internazionale, e i paesi membri dell'Ue per primi, deve dimostrarsi più unita e coerente rispetto alla Bosnia; in secondo luogo la comunità internazionale deve subito impegnare i nuovi eletti in Bosnia in un partenariato fondato su una responsabilità condivisa; occorre poi avere la coscienza che l'adesione all'Ue non è al momento all'ordine del giorno; infine la Bosnia dovrebbe essere promotrice di una cooperazione regionale, premessa all'integrazione europea, creando uno spazio economico sul modello di quella europea degli anni '90.
Qui di seguito (in francese), il testo dell'articolo di Petritsch e Solioz.
BOSNIE: OSER LE CHANGEMENT
par Wolfgang Petritsch et Christophe Solioz (*)
Le 3 octobre 2010 quelque 3 millions de citoyens de Bosnie-et- Herzégovine sont convoqués aux urnes pour les élections générales, la septième du genre depuis l’instauration du système pluripartite en 1990. Les élus auront la redoutable tâche de sortir leur pays d’une crise sans pareille depuis la fin de la guerre il y a 15 ans. Qu’est-ce qui a pu mener ce pays au bord de l’implosion ? Et comment sortir la Bosnie de cette impasse ?
Les carences de l’Accord de Dayton (signé à Paris le 14 décembre 1995), entérinant l’existence de deux entités et privilégiant une excessive décentralisation au détriment du pouvoir central, apparaissent plus que jamais au grand jour. Bouée de sauvetage à l’origine, cet accord est devenu une camisole de force empêchant une refonte structurelle du pays. Si le Bureau du Haut représentant (OHR) de la communauté internationale fut efficace jusqu’en 2005, renforçant l’État central, réformant l’économie, introduisant des changements constitutionnels, ce n’est plus le cas depuis. Pire, il a perdu toute crédibilité aux yeux des bosniens. Le manque de coordination et de cohésion, quand il ne s’agit pas de rivalité de personnes, est à l’origine des multiples erreurs commises. À côté d’un OHR en perte de vitesse, dont on annonce la fermeture depuis fin 2005, différentes initiatives visant à forcer un accord entre politiques bosniens ont vu le jour : elles ont toutes lamentablement échoué. La dernière date de fin 2009 : le dit « processus de Butmir » — de toute évidence préparé à la va-vite, omettant par dessus le marché d’impliquer le Haut représentant — escomptait extorquer de modestes changements constitutionnels au prix de quelques concessions. Même un tel accord à minima ne trouva grâce aux yeux de l’élite politique du pays.
Les errances de la communauté internationale n’expliquent pas à elles seules le fiasco actuel. Depuis 2006, l’opposition viscérale entre Milorad Dodik (premier ministre tout puissant de l’entité « serbe ») et Haris Silajdzic (membre bosniaque de la présidence de la Bosnie) prend en otage la scène politique. Arquebouté sur une Republika Sprska fonctionnelle, une fortune personnelle conséquente et le soutien complaisant des autorités de Belgrade, Dodik joue les provocateurs de première. Bien que soupçonné d’être en relation directe avec le monde du crime organisé, le premier ministre de l’entité serbe échappe à la justice et ne se prive pas de critiquer régulièrement de manière méprisante les bosniaques, de braver systématiquement les prérogatives du pouvoir central, et de défier — lorsqu’il ne le ridiculise pas — le OHR. Cette perfide stratégie permet à Dodik de s’opposer à toute réforme. Si, lors des élections à venir, le représentant de la communauté bosniaque Silajdzic risque de perdre des plumes, probablement au profit de l’Union pour une meilleur futur — nouveau parti créé par le magnat de presse et propriétaire du quotidien Dnevni Avaz Fahrudin Radoncic —, rien d’indique que l’étoile de Dodik viendrait à pâlir.
Confronté d’une part aux excentricités et extravagances d’un Dodik et, d’autre part, aux limites d’une « démocratie (mal) contrôlée » par la communauté internationale, il faut introduire une rupture, oser le changement. Premièrement, la communauté internationale, plus particulièrement les pays membres de l’UE doivent se montrer plus unis et cohérents. D’où le nécessaire alignement des différentes politiques menées actuellement en Bosnie ; ceci au profit d’une approche commune faisant autorité. La Turquie peut servir ici d’exemple, ce pays s’est engagé depuis plusieurs années avec autant de détermination que de succès dans une politique centrée notamment sur l’amélioration des relations de la Bosnie avec la Croatie et la Serbie. La Turquie a gagné en visibilité et en respect ; cela se sait et l’exemple mérite d’être suivi. Deuxièmement, la communauté internationale doit engager rapidement avec les autorités nouvellement élues un partenariat fondé sur une responsabilité partagée et un agenda convainquant. Le partenaire bosnien doit être clairement désigné et responsabilisé. Nous ne songeons pas ici à la présidence tripartite qui devrait être cantonnée à un rôle essentiellement honorifique, mais au conseil des ministres qui recevrait ainsi plus de poids. Dans un premier temps, le partenariat porterait sur la mise en œuvre d’un programme national de réformes ciblant les mesures liées à la fermeture du OHR et à l’adhésion à l’UE. Pas de révolution, mais un train de mesures centrées sur des objectifs réalistes. L’adoption des multiples normes européennes contraindra les partis bosniens à forger progressivement un nouveau consensus. Il faut être réaliste, les changements constitutionnels et autres réformes d’ampleur viendront bien plus tard et ne pourront être imposés de l’extérieur.
Troisièmement, il importe de prendre en compte le fait que l’adhésion n’est pas à l’ordre du jour. Alors que l’on envisage aujourd’hui celle de la Croatie et de la Serbie, il serait cependant inadmissible de laisser la Bosnie sur le bas-côté. La mise en place du service diplomatique européen doit accorder une attention particulière aux États fragiles que sont la Bosnie et le Kosovo. Des mesures spécifiques doivent être envisagées en faveur de ces pays ; nous songeons notamment à une intégration sectorielle dans les domaines de l’économie, de l’agriculture, de l’éducation et de la recherche. La nomination d’un Haut représentant pour les Balkans — mesure actuellement envisagée par Catherine Ashton, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité — faciliterait certainement la mise en œuvre d’un tel programme.
Quatrièmement, au nom de la coopération régionale — critère d’adhésion à l’UE pour les pays des Balkans occidentaux — la Bosnie pourrait, avec ses États voisins, prendre l’initiative de créer un Espace économique de l’Europe du Sud-Est. Sur le modèle de l’Espace économique européen des années 1990, un tel organisme garantirait aux pays concernés la participation au processus d’intégration économique de l’UE. Au delà des intérêts économiques évidents, le poids politique des Balkans occidentaux se verrait ainsi renforcé et le processus d’adhésion s’en trouverait facilité. Un tel programme, consolidant l’État et assurant son intégration progressive à l’UE, peut sortir la Bosnie de l’impasse.
(*)
Wolfgang Petritsch, già Alto rappresentante internazionale in Bosnia Erzegovina(1999-2002), attuale ambasciatore austriaco presso l'Ocse
Christophe Solioz, segretario generale del Center for European Integration Strategies (CEIS) di Ginevra
L'articolo è stato pubblicato il 30 settembre in Austria da Der Standard e il 1 ottobre in Svizzera da Le Temps
par Wolfgang Petritsch et Christophe Solioz (*)
Le 3 octobre 2010 quelque 3 millions de citoyens de Bosnie-et- Herzégovine sont convoqués aux urnes pour les élections générales, la septième du genre depuis l’instauration du système pluripartite en 1990. Les élus auront la redoutable tâche de sortir leur pays d’une crise sans pareille depuis la fin de la guerre il y a 15 ans. Qu’est-ce qui a pu mener ce pays au bord de l’implosion ? Et comment sortir la Bosnie de cette impasse ?
Les carences de l’Accord de Dayton (signé à Paris le 14 décembre 1995), entérinant l’existence de deux entités et privilégiant une excessive décentralisation au détriment du pouvoir central, apparaissent plus que jamais au grand jour. Bouée de sauvetage à l’origine, cet accord est devenu une camisole de force empêchant une refonte structurelle du pays. Si le Bureau du Haut représentant (OHR) de la communauté internationale fut efficace jusqu’en 2005, renforçant l’État central, réformant l’économie, introduisant des changements constitutionnels, ce n’est plus le cas depuis. Pire, il a perdu toute crédibilité aux yeux des bosniens. Le manque de coordination et de cohésion, quand il ne s’agit pas de rivalité de personnes, est à l’origine des multiples erreurs commises. À côté d’un OHR en perte de vitesse, dont on annonce la fermeture depuis fin 2005, différentes initiatives visant à forcer un accord entre politiques bosniens ont vu le jour : elles ont toutes lamentablement échoué. La dernière date de fin 2009 : le dit « processus de Butmir » — de toute évidence préparé à la va-vite, omettant par dessus le marché d’impliquer le Haut représentant — escomptait extorquer de modestes changements constitutionnels au prix de quelques concessions. Même un tel accord à minima ne trouva grâce aux yeux de l’élite politique du pays.
Les errances de la communauté internationale n’expliquent pas à elles seules le fiasco actuel. Depuis 2006, l’opposition viscérale entre Milorad Dodik (premier ministre tout puissant de l’entité « serbe ») et Haris Silajdzic (membre bosniaque de la présidence de la Bosnie) prend en otage la scène politique. Arquebouté sur une Republika Sprska fonctionnelle, une fortune personnelle conséquente et le soutien complaisant des autorités de Belgrade, Dodik joue les provocateurs de première. Bien que soupçonné d’être en relation directe avec le monde du crime organisé, le premier ministre de l’entité serbe échappe à la justice et ne se prive pas de critiquer régulièrement de manière méprisante les bosniaques, de braver systématiquement les prérogatives du pouvoir central, et de défier — lorsqu’il ne le ridiculise pas — le OHR. Cette perfide stratégie permet à Dodik de s’opposer à toute réforme. Si, lors des élections à venir, le représentant de la communauté bosniaque Silajdzic risque de perdre des plumes, probablement au profit de l’Union pour une meilleur futur — nouveau parti créé par le magnat de presse et propriétaire du quotidien Dnevni Avaz Fahrudin Radoncic —, rien d’indique que l’étoile de Dodik viendrait à pâlir.
Confronté d’une part aux excentricités et extravagances d’un Dodik et, d’autre part, aux limites d’une « démocratie (mal) contrôlée » par la communauté internationale, il faut introduire une rupture, oser le changement. Premièrement, la communauté internationale, plus particulièrement les pays membres de l’UE doivent se montrer plus unis et cohérents. D’où le nécessaire alignement des différentes politiques menées actuellement en Bosnie ; ceci au profit d’une approche commune faisant autorité. La Turquie peut servir ici d’exemple, ce pays s’est engagé depuis plusieurs années avec autant de détermination que de succès dans une politique centrée notamment sur l’amélioration des relations de la Bosnie avec la Croatie et la Serbie. La Turquie a gagné en visibilité et en respect ; cela se sait et l’exemple mérite d’être suivi. Deuxièmement, la communauté internationale doit engager rapidement avec les autorités nouvellement élues un partenariat fondé sur une responsabilité partagée et un agenda convainquant. Le partenaire bosnien doit être clairement désigné et responsabilisé. Nous ne songeons pas ici à la présidence tripartite qui devrait être cantonnée à un rôle essentiellement honorifique, mais au conseil des ministres qui recevrait ainsi plus de poids. Dans un premier temps, le partenariat porterait sur la mise en œuvre d’un programme national de réformes ciblant les mesures liées à la fermeture du OHR et à l’adhésion à l’UE. Pas de révolution, mais un train de mesures centrées sur des objectifs réalistes. L’adoption des multiples normes européennes contraindra les partis bosniens à forger progressivement un nouveau consensus. Il faut être réaliste, les changements constitutionnels et autres réformes d’ampleur viendront bien plus tard et ne pourront être imposés de l’extérieur.
Troisièmement, il importe de prendre en compte le fait que l’adhésion n’est pas à l’ordre du jour. Alors que l’on envisage aujourd’hui celle de la Croatie et de la Serbie, il serait cependant inadmissible de laisser la Bosnie sur le bas-côté. La mise en place du service diplomatique européen doit accorder une attention particulière aux États fragiles que sont la Bosnie et le Kosovo. Des mesures spécifiques doivent être envisagées en faveur de ces pays ; nous songeons notamment à une intégration sectorielle dans les domaines de l’économie, de l’agriculture, de l’éducation et de la recherche. La nomination d’un Haut représentant pour les Balkans — mesure actuellement envisagée par Catherine Ashton, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité — faciliterait certainement la mise en œuvre d’un tel programme.
Quatrièmement, au nom de la coopération régionale — critère d’adhésion à l’UE pour les pays des Balkans occidentaux — la Bosnie pourrait, avec ses États voisins, prendre l’initiative de créer un Espace économique de l’Europe du Sud-Est. Sur le modèle de l’Espace économique européen des années 1990, un tel organisme garantirait aux pays concernés la participation au processus d’intégration économique de l’UE. Au delà des intérêts économiques évidents, le poids politique des Balkans occidentaux se verrait ainsi renforcé et le processus d’adhésion s’en trouverait facilité. Un tel programme, consolidant l’État et assurant son intégration progressive à l’UE, peut sortir la Bosnie de l’impasse.
(*)
Wolfgang Petritsch, già Alto rappresentante internazionale in Bosnia Erzegovina(1999-2002), attuale ambasciatore austriaco presso l'Ocse
Christophe Solioz, segretario generale del Center for European Integration Strategies (CEIS) di Ginevra
L'articolo è stato pubblicato il 30 settembre in Austria da Der Standard e il 1 ottobre in Svizzera da Le Temps
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